vendredi 10 octobre 2014

Andy Polaine, Lavrans Løvlie & Ben Reason, “Service Design From Insight to Implementation”, Rosenfeld, 2013. (2)

8481330499_3cd75b04ff_m

Nous continuons avec le deuxième chapitre de ce livre sur le “Service Design”.

L’ambition de ce deuxième chapitre est :

  • de présenter l’histoire ayant conduit au développement du “service design”,
  • d’examiner le passage dans les pays développés d’une économie centrée sur les produits à une économie centrée sur les services,
  • d’expliquer pourquoi les services ont besoin du design,
  • de développer une taxonomie des services.

Avant d’y arriver, présentons le résumé de ce chapitre par les auteurs. Ce chapitre 2 qui s’intitule “The Nature of Service Design” est résumé par les auteurs en trois (3) points :

  1. On est passé, dans les économies des pays développés, de l’âge de la production industrielle à l’âge des services. Seulement, ce passage ne s’est pas opéré dans les têtes, dans les esprits. Les entreprises qui offrent des services le font avec les méthodes et les moyens éprouvés lorsque les produits dominaient l’économie.
  2. L’approche managériale la plus répandue est de diviser l’entreprise en départements ou en services, des silos d’activités. Ce qui fait que chaque département se bat pour jouer pleinement et efficacement sa partition dans l’offre de service au client. Seulement, la cohérence d’ensemble n’est pas abordée pour ce service alors que le client juge la cohérence.
  3. Plusieurs entreprises sont organisées d’une façon qui ne leur permettent pas de délivrer une meilleure expérience de service aux clients. C’est un peu la conséquence des deux points précédents. Le challenge pour ces entreprises est de concevoir à nouveau non seulement le service mais aussi la culture de l’entreprise.

Pour revenir à l’ambition de ce chapitre et tracer comment les auteurs abordent chaque élément, prenons point par point :

COMMENT S’EST DEVELOPPE LE SERVICE DESIGN ?

La plupart des services n’existent que le moment de leur consommation. De plus, il y a plusieurs services qui sont considérés comme donné, donc personne n’y pense, comme l’électricité ou l’eau. Ce n’est que lorsqu’une panne survient et qu’on n’a plus d’eau ou d’électricité qu’on se rappelle que cela n’est pas donné. Le fait que les services soient “invisibles” a soutenu le désintérêt pour leur design.

On trace les débuts du design industriel ou design des produits dans les années 1920. La mission de cette discipline était d’améliorer le niveau de vie des populations en travaillant la qualité et l’ergonomie des produits proposés. On est au début de l’industrialisation et les designers explorent toutes les voies permettant de créer des produits qui puissent satisfaire les besoins fondamentaux des personnes. Cette trajectoire est couverte par les deux guerres mais elle est vite reprise avec la reconstruction et l’émergence d’une classe moyenne qui aspire au bien-être et a soif de consommation. Seulement, avec la stabilisation des classes moyennes, leur souci n’est plus l’élévation du niveau de vie mais aussi la qualité de vie.

Ainsi, les personnes veulent un services qui leur apportent une réelle valeur. L’ambition du “service design” est de rendre ce qui est “invisible” visible. Que les personnes puissent percevoir et apprécier cette valeur apportée par le service.

LE PASSAGE D’UNE ECONOMIE DE “PRODUITS” A UNE ECONOMIE DE “SERVICES”

Dans les économies des pays développés aujourd’hui, le secteur des services concentre à lui seul près de 75% de l’économie. Ces chiffres avancés par les auteurs peuvent déteindre en débats entre experts sur les méthodes de mesure ou le contenu sur ce qu’on entend par “services” mais on ne peut contester cette tendance qui ne cesse de progresser. C’est pourquoi le design des services peut être un avantage compétitif clé. De plus, il plus facile de copier un produit que de copier une expérience de service. La fidélité d’un client qui apprécie un service bien rendu est garanti tant que ce service maintiendra sa valeur. Il faut aussi noter que ce passage a été facilité par les opportunités offertes lorsqu’on passe d’un business model axé sur un produit à un business model basé sur un service. Prenons l’exemple avec les sociétés de location automobile qui propose des services de mobilité. Elles ne vendent pas le véhicule mais le temps d’utilisation du véhicule et le kilométrage parcouru…etc.

POURQUOI LES SERVICES ONT BESOIN DU DESIGN ?

Pour mieux comprendre pourquoi les services ont besoin du design, il faut étudier la nature des services et la façon dont ils sont délivrés aux clients. On définit la plupart du temps le service en opposition au produit. On dira que les produits sont des objets discrets et visibles. Ce qui n’est pas le cas des services. Une caractéristique fondamentale du service est qu’il crée de la valeur seulement lorsqu’on l’utilise. Le distributeur automatique de billets (DAB) n’a de valeur que si les personnes se dirigent vers lui pour l’utiliser. Un service n’a de valeur qu’au contact avec une personne, c’est pour cela que les auteurs affirment que les services sont co-produits par les personnes qui l’utilisent. Donc lorsqu’on parle de services, il faut penser aux interactions avec des personnes, et les motivations et comportements qui vont avec. De plus, les auteurs rappellent que la prestation de services à l’heure actuelle repose le plus souvent sur des plateformes numériques. Qu’on pense à la réservation des billets qui se fait de plus en plus en ligne, la banque en ligne, l’achat en lignes…Plusieurs services reposent, pour leur livraison, sur le développement des technologies de l’information et de la communication (TIC). Avec les réseaux et les personnes, il se crée une complexité de liens qui pose autant d’opportunités et de problèmes pour les entreprises qui, pour avoir une excellente qualité de service, explique pourquoi le “service design” a émergé.

UNE TAXONOMIE DES SERVICES ?

On ne peut mieux comprendre les services et ce qui les différencie des produits sans examiner ce que les personnes obtiennent des services. Ce qui amène les auteurs à définir trois valeurs centrales pour les services : soin, accès, et réponse. Ces valeurs permettent de cataloguer chaque service et les grouper suivant leur relation avec ces valeurs. Plusieurs services délivrent au moins une seule de ces valeurs, le plus souvent un mix des trois. On a ainsi :

  • des services qui prennent soin des personnes ou des choses : à l’exemple de tels services, on peut prendre soin d’un objet comme la voiture (lavage pour la propreté, tracking pour la sécurité,..etc), on peut prendre soin d’une personne avec la santé, la coiffure, une garderie,…etc. De même, on peut prendre soin de votre argent avec les services comme la comptabilité, le conseil fiscal et autres.
  • des services qui donnent accès aux personnes ou aux choses : On peut citer des services qui donnent accès à certaines choses qu’on ne peut pas avoir soi-même et dans ce cas là, on pense à la location d’une voiture, d’un appartement. Ou encore à l’accès à l’eau, à l’électricité. La plupart de ces services sont adossés à des infrastructures qui demandent des investissements lourds.
  • des services qui offrent une réponse aux personnes ou aux choses : Ici, ce sont des services qui répondent aux besoins des personnes. C’est l’enseignant qui donne des cours de répétition, l’ambulance qui est sollicitée lors d’un accident. Ce sont des services créés en réaction à une requête. Certains services ici sont “anticipées” comme les services d’assurance à un sinistre ou l’assurance sociale. Puisqu’on connait déjà la “réponse” aux besoins de personnes en situation de sinistre, on propose un package de services à ces personnes pour garantir la réponse attendue, à savoir la couverture du sinistre.

La typologie ainsi établie n’est pas étanche. Un même service peut contenir ces 3 valeurs à la fois. Un service de location automobile contient la valeur “accès” mais peut aussi avoir la valeur “soin” avec le lavage en option, le tracking en option. On peut même y ajouter la valeur “réponse” avec différents niveaux d’assurance en option.

Les auteurs terminent ce chapitre en abordant la question de la performance d’un service. Ils définissent la performance d’un service comme la façon dont un service est délivré. Ainsi, on a la performance comme expérience qui est fonction de la façon dont le service est délivré. Ici, le client apprécie le service avec des qualificatifs comme “bon”, “meilleur” et autres. On a aussi la performance comme valeur où il s’agit de réaliser les promesses tenues aux clients. Ici, c’est la capacité de l’entreprise qui est en jeu. Une entreprise mal organisée ne tiendra pas ses promesses.

Seulement, dans la mesure où des services sont souvent adossés à des infrastructures aux investissements lourds et difficiles à récupérer, le design des services doit s’effectuer avec professionnalisme. La sagesse recommande de commencer par comprendre ceux à qui les services sont destinés, à savoir les personnes. C’est l’objet du troisième chapitre intitulé “Understanding People and Relationships”.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire